Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

La Villette est un port

Un vieux en casquette de marin fait les cent pas devant les pontons partout dans le monde, ils ont par poésie du large sans doute souvent perdu la tête, à moins que l’enfermement dans le vacarme assourdissant des salles de machines ait servi de lobotomie définitive, ça arrive aussi.

Celui du 19ème est une brindille muette d’un mètre cinquante pour quarante kilos, caban compris, qui porte une casquette de quartier maître d’Europe de l’est rehaussant la silhouette et c’est dix centimètre de gagné sur la petitesse de la vie… il marche encore un peu du pas de l’oie, seules les jambes bougent, le reste doit rester figé sur la casquette bien astiquée…

Ceux de Pondichéry sont une exception, terriblement bavard au zinc du troquet du coin en s’enfilant des lassis aux fruits, ils te décrivent, et en français, toutes les cales de Hobart à Terre-Neuve, filles à marin comprises.
La Villette est un port, il ne me viendrait pas à l’idée d’habiter trop loin des quais d’embarquement, du chant sourd des gros diesels au ralenti, rassurant comme une ligne techno de basse, et savoir que je peux sauter à bord puis partir au plus loin, n’importe où, même aux Marquises, et puis on se débrouillera bien, il y a toujours de l’embauche dans les ports quand on sait calfeutrer à la main, mon point commun avec Moitessier (en autres), il y aura toujours des cales à vider pour les tatoués des tropiques, ou des bateaux à rafistoler…

C’est jamais la misère au soleil des embarcadères… mais faut avoir sa casquette