Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

Boulangerie de Belleville

L’angoisse terrifiante du mois d’août à Paris est de savoir quelle boulangerie sera ouverte le lundi 15, et le chrono nécessaire pour trouver un baguette, mais bon à Belleville on s’en tape un peu, les pauvres ça part pas en vacances, c’est à ça qu’on les reconnait, ça reste sagement dans les cités, le bled c’est pour les bobos, de toute façon tout le monde va chez Lidl où la baguette est à 29 centimes, nah ! Bien moins qu’au terminal de cuisson, où l’assomption de la Vierge Marie est au mieux une curiosité locale, au pire un rite mécréant. D’ailleurs le magazine le plus lu est le catalogue des promos de Lidl, et le commerce le plus couru celui des coiffeurs pour hommes… est-ce que ça a à dire quelque chose avec notre époque ? … scènes étranges où des jeunes hommes garés en grappe mole sur les trottoirs, bigoudis et papier aluminium sur le crâne, patientent en fumant des cônes que n’auraient pas reniés les freaks brothers, pendant que sur le trottoir d’en face des toxs viennent retirer leur kit d’injection au distributeur de la place, car oui, tous les deals sont ouverts, c’est du commerce rentable, seringues, pipes et plateaux repas étant fournies par les associations, chambre d’hôtel aussi si besoin, fini les temps moyenâgeux où la totalité des dealers parisiens filaient se dorer sur la côte ou en Corse, histoire de suivre la clientèle, maintenant tous les camés viennent en vacances dans le 19ème, c’est plus simple, même le crack fait du drive-in et Stalingrad est en roue libre à l’entrée de Paris-Plage où le pusher à la nuit tombée se camoufle en honorable vendeur de bière fraiche à la sauvette, le cliquetis du décapsuleur sur le verre annonçant l’arrivée du bar roulant, comme la cloche des vitriers et des rémouleurs de passage… c’est le Bronx à Belleville…