Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

Aux Folies des cadors

Je crois que je vais finir par écrire un livre sur les tables de bistrot parisien on peut en faire un Modiano facile, vous allez me dire que ça fait pas une histoire mais on s’en fout chez Modiano y’en a pas non plus. Qui se souvient d’une de ses intrigues ? Personne, il sait pas faire et quand il se force à imaginer des histoires d’espionnage tordues dans les couloirs de l’hôtel Odessa où j’ai logé, t’es mdr, ça tient pas la route deux pages comme si son éditeur l’avait obligé de rajouter de l’action et deux scènes de sexe par contrat.

Là, je suis aux Folies, rue de Belleville, j’y ai ma table presque réservée et je n’ai qu’à m’asseoir sans mot dire, le garçon m’apporte aussitôt la noisette verre d’eau.

C’est l’heure des habitudes du matin, monsieur Robert à casquette de caïd retiré des bagnoles donne le tempo, il a le regard bienveillant pour tous ces semi-voyous ratés qui n’ont pas pu s’acheter la maison aux Baléares, les années de zonzons et de bastringue ne comptant pas pour la retraite, les Bonny & Clide se contentent du rsa et du HLM bien branque d’en face.
Robert se fritte souvent avec David, un caïd de second rang, c’est à dire un mec pas capable de s’acheter une Audi, tout juste apte à sortir le couteau, un intermédiaire… mais bon, vu le nombre de kilos qui passent par ici, ça fait quand même du chiffre.

Et puis y’a Dédé, limite loque humaine, octogénaire qui se la joue encore car il loue toujours une prostituée chinoise au mois, c’est le grand chic du marlou attardé: elle a sa chambre, fait le ménage, les courses, les amusements et doit accompagner le boss déchu en terrasse comme si c’était son mac. Dédé fait croire qu’il est un caïd, mais non, c’était juste un indic, un mac au bistrot c’est toujours avec deux gagneuses… une seule ça fait tocard.