Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

Upgrade à Djerba, 2015

Dernier jour de la vie d’un jeune homme moderne, après tu tombes dans l’inconnu et c’est foutu pour toi, tu apportes des fleurs aux cimetières et rarement aux maternités ça fait pas forcément rêver les jeunes filles.

Y’avait que moi pour me foutre dans un merdier pareil: l’hôtel club à Djerba trois jours après un attentat islamique balnéaire, histoire de prendre l’air avec les filles, alors que j’aurais pu simplement réserver une table pour la semaine aux Vapeurs à Trouville… Comme y’a plus personne, dès la réception t’es surclassé d’office, à peine on te demande ton avis, et tu te retrouves dans une suite duplex, une maison dans un jardin fleuri sur la mer pour le prix d’un claque chelou à Belleville, bon d’accord, l’armée est sur la plage, M16 à la main et air pas commode, mais comme on vient du 19ème, on a l’habitude de croiser l’armée dans la rue en allant faire ses courses, on y fait plus attention, et du coup t’as pas un seul camelot sur la plage, pas une promenade à chameaux, rien t’es peinard, et si un ado du village tente de venir vendre des packs d’épices colorés, y’a le swap et les services spéciaux qui lui tombent dessus en même temps. Bref, j’allais de dropping zone en dropping zone, pourquoi je me débrouille toujours pour vivre là où les mecs larguent les bombes, juste en plein milieu. Je ne vous parlerai pas de Bali, c’est trop triste.

À la piscine du club, le premier jour t’es foudroyé, cloué au sol, dès 10 heures du mat, le personnel se déguise en animateur de Goa sous acide frelaté, c’est Davina au désert, la sono à fond les ballons, en 10 minutes le cours d’aquagym est en transe collective, le bar open, on est en all inclusive donc ça peut picoler à l’œil tranquillou, tu peux même pas t’entendre hurler de douleur quand tu te cognes le petit orteil tellement la sono est forte, si t’es venu faire du zen rinzaï c’est mort, il ne te reste plus comme espoir final d’arriver assez tôt au self à midi pour avoir encore des frites, tu tutoies la limite du désespoir, un pas de plus et c’est l’enfer.

On ne devrait jamais quitter sa plage.