Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

L’Empereur, 1989

Le jour où j’ai enterré un empereur. 7 janvier 1989, je suis à Tokyo, cet enfoiré de Shawn n’avais pas trouvé mieux que de se marier avec Alex, une anglaise à peau blanche, le jour de l’enterrement de l’Empereur du Japon, oui vous avez bien lu, le seul jour où tout est interdit, le jour où Hirohito, passe du trône du chrysanthème à l’oubli, le jour même de le fin de l’ère Shōwa, déjà que quand tu traverses une rue à deux mètres du passage piéton t’as toujours un flic à casquette qui te saute dessus en hurlant, et en dix secondes t’es vitrifié sur place comme un zek au goulag tellement t’as peur, alors traverser tout Tokyo ce jour là… comment dire, tu respires avant de partir… et quand tu sors du métro c’est ambiance post-apocalyptique: y’a rien, pas un bruit, pas un mouvement, ils ont largué la bombe, c’est fini, tu es le seul survivant dans une ville fantôme et Shawn t’ouvre la porte comme un trafiquant de jambon un soir de 1942… un coup de tête à droite, un regard à gauche, et un geste de la main qui te dit de faire vite pour entrer, pff… ouf sauvé

Qu’est ce que je foutais là ? J’avais bien dans la poche un billet presque open pour Los Angeles, mais en fait j’étais surtout à la recherche d’un japonaise photographe aux bras tatoués que j’avais rencontré sur une plage en Inde, un truc trop beau, plus beau t’es mort, j’avais uniquement son prénom et l’empreinte gravée de son regard, mais n’ayant peur de rien, déjà, j’étais certain de la retrouver au milieu de 14 millions de japonais, et c’est plus facile qu’on ne le pense parce les japonais, tellement qu’ils sont coincés, ils sont tous habillés pareil, costume et tailleur depuis la maternelle ou presque, alors une beauté aux bras tatoué, à mon avis, après trois cafés à Shinjuku, tu tombes obligatoirement sur elle, c’est forcé

Donc j’étais pas là pour mon bon copain Shawn qui s’était fait la tête de John Lennon, j’étais tombé sur lui par hasard vers Shibuya devant un cinéma. Shawn est un japonais d’origine coréenne, une famille du cirque, des manouches japonais quoi, des enfants de la balle, des jongleurs, des acrobates, puis il s’est mis à jouer assez bien du didgeridoo à Londres, en studio et dans les rues de Camden où il vivait avec Alex. L’Empire du soleil levant a bien ses gens du voyage, mais ils sont coréens !

Donc j’ai fait une weeding techno party à Tokyo le jour de l’enterrement du dieu vivant… Champion du monde

Le foutoir de la Full Moon Party

Le salaire de la peur