Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

Sea, Sex & Sun

J’avais réussi le casse presque parfait en déboulant à Paris au printemps: m’envoyer moi même en mission bien payée pendant deux semaines à Ibiza, et au mois d’août, pour produire des photos de gonzesse à poil, euh… pardon, des photos de charme pour LUI, le magazine de l’homme moderne, lol… y’a pire

…j’aurais pu faire Bilto ou France-Soir comme pour les moissons pourries, mais les années suivantes j’allais savoir monter les mises d’un cran et taper la banque dans un Ocean’s Eleven des magazines, un rôle pour moi, poussez vous les autres, circulez, laissez moi le grisby…

L’usine à fantasme d’adolescent n’est pas un gadget et joue de gros contrats sur le marché mondial de la photo, c’est du business, de la spéculation sur les posters à routiers de Djakarta à Valparaiso, il faut faire du chiffre et ça je sais faire, c’est pour ça qu’on me payait très bien, trop parfois, et cette fois le sponsors était ELITE, l’agence des tops de chez top avait sans doute du cash à flamber vite fait et me fournissait villa branchée et ligne de crédit assez large en échange d’un article sur le boss, John Casablanca, sa vie son œuvre sa bite, blouson doré élevé à la Suisse et souteneur de miss Danemark… un mec très cool, si, si… ça permettait de financer le voyage avec les filles topless sur la plage… tope là, ça roule…

… on comprendra pourquoi j’ai fait le désespoir de ma mère en refusant d’être notaire à Plestin-les-Grèves, j’avais déjà comme idée qu’on me racontait des conneries et qu’il y a des boulots plus rigolos que chef de district à la Sncf…

L’équipe recrutée pour ce shooting à Ibiza donnait franchement dans le baroque déjanté, des sauvages sous psychotrope, born to shoot mais stoned again… ce n’était plus une team de mode mais un peloton des forces spéciales parachuté de nuit avec atelier déminage dans les chiottes vintage du Pacha, la fashion victime n’étant qu’un débat collatéral de ces expéditions industrielles.

John le photographe cinglé en Axel Rose des shooting à bandanas noir, Gigi la styliste en Siouxie mode vénère « tu-vas-t-en-prendre-une », Jade au maquillage c’était Nico rêveuse en frou-frou rose… et moi déguisé en Rahan, mais encadrant ma team du haut du mirador… Take it easy était ma seule réponse à leurs doutes…

…mais au bout d’une semaine, la team fashion avait mis six très belles séries dans la boîte, bravo… l’affaire était bouclée, la suite était des vacances, il ne me restait qu’à récupérer le rédacteur à l’aéroport pour taper le publi-rédactionnel… soit mister Ariel Wizman, lui même… touche à tout bastringue ayant renoncé à écrire un Goncourt pour faire le nègre à la pige et le DJ option salsa dans des boîtes post-échangistes de Pigalle, avant de mal finir en importateur de conneries chinoises comme tout le monde, même pas spéculateur immobilier à Miami…

Ariel, quand même, tu déconnes… à peine posé ses fesses dans ma voiture, excité, il commence à me saouler dès la sortie de l’aéroport – Ou c’est qu’on peut acheter à fumer, et des Extas, y’en a où ? – T’inquiète pas Ariel, j’ai tout amené, il y a ce qu’il faut à la villa – Là, tu prends l’air détaché du mec qui assure, et ton interlocuteur passe en une seconde de l’angoisse à la reconnaissance, all inclusive. Connaissant les phénomènes de la mode et leur tendance à la déglingue, j’avais pris la précaution d’emporter de Paris assez des shit et de lsd pour tenir toute l’équipe pendant deux semaines… soit un stock assez important, sinon tu passes ton temps à les chercher partout et c’est le bordel, le boulot n’avance pas… donc Ariel a fait comme tout le monde, après un wahoo d’émerveillement en arrivant à la villa, c’est vrai qu’elle était trop belle, il s’est vautré dans son transat au bord de la piscine où l’équipe l’attendait, je lui ai donné deux joints déjà roulés pour ne plus l’entendre, et sous les étoiles j’ai pu faire le brief pour le lendemain, la nuit est douce à Ibiza si tu as une piscine et trop de cash…

Je n’avais pas voulu booker les filles à Paris, surtout pas celles de Elite – On les trouvera sur la plage… Step ahead ! – Pour trois miles euros en cash, tu as le choix parmi les canons les plus sexy d’Europe déjà à moitié nues sur le sable, easy… être le directeur artistique du moment à ses avantages, j’avoue.

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