Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

I will surf this fuckin’ place

Mon copain Denis, sans doute voyou de Chicago et ferrailleur virtuose à Tokyo, avait trouvé des bodyboards à Shinjuku, et donc, ça n’avait pas trainé, on se devait absolument d’amener les filles à la plage, easy, il nous fallait trouver une vague sur une plage, mission presque impossible dans la troisième puissance économique du monde où les jeux de plages sont des vacuités si inutiles qu’on a préféré planter des usines et des entrepôts géants en bord de mer, sous les pavés l’usine…

Là commence un problème strictement topologique, on compte davantage sur le calcul de probabilité pour trouver une vague et s’éclater un peu, car dans l’empire du chrysanthème la vie n’est pas si rose-bonbon kawaï, même si aux aurores des kimonos brodés se faufilent dans les ruelles…

…le temps d’embarquer deux copines de Yoshida House, Amalia brune brésilienne hôtesse de bar à champagne et Mathilde, espagnole rebelle aux activités opaques, et c’était parti pour la virée sauvage chez les faces de prunes*, option côte du Pacifique, le tout face aux tsunamis, carrément face à Midway, finalement les Beach Boy ne sont que des blondinets du dimanche planqués à l’arrière… pas vrai ? On s’en doutait en fait…

La zone industrielle fait 500 kilomètres non-stop, ça laisse rêveur… tellement d’usines partout, et plus de place pour une fucking beach, on t’a pas demandé ton avis de plagiste pour le plan d’urbanisme, et t’es pas là pour réclamer une paillote où regarder les filles qui passent sur la plage, ça n’existe pas, un vrai délire industriel post futuriste… t’es à SimCity niveau 2000 !

I will surf this fuckin’ place, on aurait presque pu mettre la Walkyrie sur l’autoradio du van, se prendre pour Robert Duval en colonel de cavalerie, et appeller la Navy pour raser au napalm le trop plein d’usines robotisées et faire de la place pour les humains sur cette fuckin’ beach… Charlie don’t surf*… ça tu peux pas comprendre sauf si t’as lu l’encyclopédie complète de Malibu ou vu dix fois Apocalypse Redux à la Cinémathèque… on arrive finalement sur une sorte de dune venteuse… les filles tentent un bronzage désespéré sur les transats, y’a pas trop de soleil, et les garçons vont faire les clowns dans l’océan, la vague est courte, ça tape, mais bon… on peut sortir de l’eau les épaules mouillées et le muscle saillant… c’est le principal, la révolution peut attendre (encore !)

…et là c’est le drame, des militaires américains en famille déboulent pour un déjeuner à la plage … trop heureux de rencontrer autre chose que du treillis, le hug ressemble à un round face à Tyson, on va pouvoir enfin parler de choses sérieuses comme de l’état de forme des Dolphins de Miami… ils ont amené un matériel de dingue pour le BBQ obligatoire, c’est Overlord, la logistique américaine de guerre, du fret à flux tendu, t’as ta Budweiser hyper fraîche et à l’heure pile, offerte par une texane souriante « so amazing my friend », pour un peu on t’amènerait le café par hélicoptère de combat servi avec du chocolat à la liqueur de poire, la classe… bref à 16 heures on y était encore largement… on est rentré de nuit à Tokyo tranquillement, on avait réussi à surfer, les filles étaient contentes et la bière fraîche fournie par la Navy… You either surf or fight. That clear?

J’ai surfé au Japon.
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*Face de prune, est l’expression préférée de Buck Danny, pilote américain imaginé par le scénariste Charlier

** Charlie don’t surf, est une réplique culte du lieutenant-colonel Kilgore dans Apocalypse Now quand il ordonne qu’on lui apporte sa planche de surf 8’6 Yater Spoon, Charlie étant le code radio pour designer à la fois l’armée du Nord et le Viet Cong (sud). Dans le plan suivant Robert Duval appelle la chasse pour nettoyer la plage au napalm. L’expression est toujours culte chez les surfeurs…

Mon amoureuse suédoise

Chapitres 2 – Beach Life