Apocalypse Beach, roman

par Tanguy Lambert | Sommaire

Bophut Beach, l’embarcadère thaïlandaise

Arrivé là, le calme et la quiétude étaient sidérants, juste un sobre clapot sur le sable et quelques oiseaux qui passent, tu pouvais souffler et enfin marcher pieds nus après un voyage harassant de plus de vingt heures, tu étais forcément en vrac, fourbu de partout, le dos et des muscles inconnus demandaient grâce…

il avait fallu s’extirper du chaos inimaginable de la Southern Bus Station de Bangkok, traverser tout le Siam en bus de nuit VIP qui te largue au jugé à 5h du mat dans la nuit des faubourgs de Surat Thani, encore trois heures de bateau, une grosse heure de pick-up pour rejoindre le nord de Koh Samui, et enfin être quelque part immobile, tu n’as plus qu’a poireauter sur la plage et jouer avec les enfants en attendant le dernier bateau comme on attend le RER sur un quai, sauf qu’il passe moins souvent…

…en face c’est Haddrin, dans deux ou trois heures tu arrives au village… mission accomplie, tu as trois mois de visa et des travellers, c’est le bonheur du retour au bled, au bout du monde, sur cette route de terre, qui fait le tour de la terre, sur cette route où y a jamais d’hiver, c’est par là qu’il reviendra, prendra l’enfant dans ses bras…

A l’arrivée du Captain, son vrai surnom, on sautait sur le petit bateau de pêche qui ramenait les légumes du marché, quatre aux cinq occidentaux, pas plus, le fameux Haddrin Queen et sa centaine de sièges n’existait pas encore, et dès les amarres larguées c’était la rigolage générale, le déballage de ganja du Laos, Cap’tain n’était pas en reste, loin s’en faut, et sortait immanquablement un bang en bambou fait maison, on arrivait dans un monde ou la police était absente, zone de non-droit, lol, ce qui est certain c’est qu’on arrivait à Haddrin déjà bien allumé, et comme on dit dans nos camping de bretons ivres morts avant d’aller aux mariages « on va quand même pas y arriver à sec ».

Koh Phangan était encore presque désert et vivait en autarcie, l’île n’avait connu de l’occident qu’une poignée d’ingénieurs australiens exploitant une minuscule mine de nickel, des soldats américains en permissions du Vietnam et à la rigueur, quelques sannyâsins égarés. Reste un vestige de cette épopée glorieuse ou pas: un SM Maserati beige intérieur lie de vie, état neuf, soigneusement rangée dans un garage en bois, à Chaloklum, patelin vraiment paumé de pêcheurs de seiches, je n’ai jamais compris comment cette merveille de l’histoire automobile française avait fini par atterrir là !
Sur cette route où y a jamais d’hiver.
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Babioles à Varanassi

Mama Fuya à Haddrin